Phase de pesée du coton graine récolté, Nord Cameroun, mars 2023, crédit : African Cotton.

-----

Notre Réalité

Vous le savez, l’industrie de la mode est la deuxième industrie mondiale la plus polluante après celle de l’énergie et avant l’industrie alimentaire.

Les processus intensifs de production textile polluent l’air, l’eau, et la terre.

Une industrie de la mode fortement émettrice de gaz à effet de serre (GES) 

Les chaînes de production du secteur de la mode serait responsable de 10% des émissions mondiales de GES annuelles. Principale cause du réchauffement climatique, ces gazs sont générés par l’industrie textile en raison d’une importante consommation d’énergies, durant les long processus de transformation des fibres textiles en vêtements. Bien que déterminante dans la production de GES, la quantité d’énergie consommée n’en est pas le seul facteur, le fait de recourir à des énergies fortement carbonées comme le charbon et le gaz, contribue à maintenir un niveau très élevé de production de dioxyde de carbone  qui se disperse dans l’atmosphère, polluent l’air, et participe à l’accélération du réchauffement climatique.

Dans son 6ème rapport publié le 28 février 2022, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), nous rappelle que divers phénomènes naturels tel que des "épisodes de sécheresses, des vagues de chaleur, des inondations, ou encore des précipitations intenses endommagent fortement les récoltes, dégradent les terres cultivables”, renforçant ainsi la vulnérabilité économique des agriculteurs des zones de l’hémisphère sud, davantage exposées à ces effets. On y apprend également que dans ces régions du monde la mortalité due à ces phénomènes a été 15 fois plus importante durant la dernière décennie.

Pour la première fois, ce groupe d’experts fait état des impacts régionaux du changement climatique. L’Afrique est aujourd’hui la région du monde qui fait face aux défis les plus importants sur tous les aspects liés à ce phénomène (accès aux infrastructures essentiels, accès aux services de santé, pauvreté extrême, sécurité alimentaire etc…).

Grâce à ces experts nous savons également qu’un million d’espèces de plantes et d’animaux sont aujourd’hui menacées d’extinction à cause du changement climatique et des autres pressions exercées par l’Homme. Dans son livre numérique Fast fashion : impacts, alternatives et moyens d’agir (FR), Oxfam souligne que la présence d’environ 1900 produits chimiques dans les processus de teinture utilisés par l’industrie textile est un facteur important de pollution des écosystèmes aquatiques. Ces substances contiennent souvent des métaux lourds, des solvants chlorés, des acides, qui tuent les organismes vivants, et rendent impropre à la consommation les eaux qu’elles contaminent, et les produits issus des cultures maraîchères irriguées avec ces eaux

Il est urgent que les entrepreneurs du secteur textile et de la mode, quelle que soit la région du monde où ils sont implantés, se fixent l’objectif de ne plus contribuer au réchauffement climatique afin de préserver nos écosystèmes naturels, dont la vie humaine fait partie. 

Dans le monde interconnecté dans lequel nous vivons, nous ne pouvons ignorer que les actions menées dans une région du globe, et qui contribuent au changement climatique, ont des répercussions rapides (sécheresse, inondations, pauvreté, crise alimentaire…) dans d’autres régions. Alors n’ignorons pas non plus que ces mêmes répercussions ont elles aussi des effets (dégradation de la santé mentale, déplacement de populations…), qui suivent une trajectoire en boomerang, et impactent les zones dans lesquels les décideurs industriels  responsables de l’accélération du changement climatique évoluent, subissant aussi tôt ou tard les conséquences des actions destructrices qu’ils ont eux même initiés. 

La culture du coton : des pratiques agricoles conventionnelles destructrices pour les écosystèmes naturels

Le coton est la fibre textile la plus produite dans le monde, représentant environ 40% de la production mondiale de fibres textiles. Elle possède de multiples atouts : (i) sa fibre douce et agréable la rend incontournable pour les personnes ayant une peau sensible, (ii) sa respirabilité permet à la peau de respirer et à la transpiration d’être évacuée, (iii) sa résistance confère une certaine durabilité aux vêtements, (iii) et c’est une fibre facile à entretenir. 

Selon le Département de l’Agriculture américain (USDA), au cours de la campagne 2019/2020 8,8 millions de tonnes de coton ont été produites dans le monde. D’après le rapport 2021 de Textile Exchange, 99,3% de la production mondiale en 2019/2020 était issue de processus de production conventionnels. La culture conventionnelle du coton désigne un mode de production qui utilise des intrants, engrais et pesticides chimiques, afin de stimuler la croissances des plants et protéger les cotonniers d’éventuels ravageurs. Ce mode de production est également fortement consommateur d’eau, au point qu’en Asie centrale, la culture conventionnelle et intensive du coton ait conduit à l’assèchement de la Mer d’Aral. L'agriculture conventionnelle a d’autres impacts négatifs sur l'environnement. L'utilisation excessive d'engrais chimiques et de pesticides entraîne une pollution des sols et des cours d'eau, ainsi qu'une diminution de la biodiversité. La monoculture pratiquée dans l'agriculture conventionnelle contribue à la dégradation des sols et à la réduction de la fertilité des terres, entraînant une diminution des récoltes à moyen terme, et par conséquent la baisse des ressources économiques des cotonculteurs.

Heureusement des pratiques de gestion durable des terres se répandent progressivement au sein des communautés de cotonculteurs.

Ces pratiques agroécologiques impliquent l’utilisation d’engrais et pesticides naturels inoffensifs pour les écosystèmes terrestres et aquatiques, combinent leur utilisation à un système de rotation des cultures sur une même parcelle, afin que chaque culture enrichissent la terre de différents nutriments et contribuent ainsi à maintenir sa fertilité à un niveau élevé.

Moins consommatrice d’eau, l’agriculture biologique contribue à la régénération des terres et la préservation des ressources aquatiques, maintenant la capacité des cotonculteurs du monde à produire du coton à long terme.

La mode : une industrie où la dignité humaine compte peu

Au-delà des investissements et de l’énergie, les autres piliers de l’industrie de la mode se sont bien les femmes et les hommes qui sèment et récoltes le coton, qui actionnent et assurent le suivi des égreneuses, des machines à tisser, des cuves de teintures, ou encore des machines à coudre. Selon Oxfam France, environ 60 millions de personnes dans le monde travaillent dans le secteur du textile aujourd’hui. La manipulation de produits chimiques, le temps de travail journalier avoisinant 12h00, et les salaires mensuels extrêmement faibles allant de 23€ en Ethiopie, 48€ à Madagascar, 83€ au Bangladesh, 238€ au Maroc et jusqu’à 314€ seulement en Turquie, maintenant les travailleurs du textile dans la pauvreté, font partie des caractéristiques d’une industrie aussi bien destructrice pour l’environnement que pour l’Homme.

-----

Un groupe de cotonculteurs pesant un volume de coton graine d'environ 200kg, Nord Cameroun, mars 2023, crédit : African Cotton.

L’essentielle inclusion économique des territoires et acteurs vulnérables d’Afrique de l’Ouest

Le Sahel fait face à une crise multidimensionnelle qui touche différents aspects de la vie économique, sociale et politique de la région. Cette crise est le résultat d'une combinaison de facteurs tels que la pauvreté, les conflits intercommunautaires, l'insécurité alimentaire, le changement climatique, la faiblesse des institutions étatiques, la corruption, la croissance démographique et les déplacements de population.

Cette région est l'une des plus pauvres du monde avec un taux de pauvreté qui dépasse les 50%. La pauvreté est souvent associée à des niveaux élevés de malnutrition, de faible accès à l'éducation et aux soins de santé, ainsi qu'à un manque d'opportunités économiques pour les jeunes. Cela rend la région vulnérable aux groupes terroristes qui utilisent la pauvreté et la frustration des jeunes pour recruter des membres.

Les conflits intercommunautaires y sont fréquents, souvent liés à des rivalités pour l'accès aux ressources naturelles telles que l'eau, les pâturages et les terres agricoles. Les conflits ethniques, religieux et politiques peuvent également être une source de tensions.

L'insécurité alimentaire est une préoccupation majeure dans le Sahel. Les périodes de sécheresse, les inondations et les invasions de criquets pèlerins peuvent entraîner des pertes de récoltes et une diminution des réserves alimentaires. Les prix des denrées alimentaires peuvent également fluctuer, ce qui rend difficile l'accès à une nourriture suffisante pour les populations les plus vulnérables.

Le changement climatique a également un impact important dans la région. Les sécheresses, les inondations et la désertification qu'il engendre ont des conséquences négatives sur les moyens de subsistance des communautés locales et la biodiversité de la région.

Enfin, la faiblesse des institutions étatiques et la corruption sont des problèmes récurrents dans le Sahel. Le manque de ressources et de capacités de l'État peut entraîner une mauvaise gouvernance, une instabilité politique et une insécurité.

Le Burkina Faso au centre de cette région, est l’un des pays caractérisés par cette situation. En parallèle de solutions politiques visant à améliorer la sécurité, la gouvernance, ou encore la croissance économique, des initiatives privées permettant de créer des emplois et de générer de la richesse économique dans ces territoires dégradés, contribuent à réduire l’intensité de la crise.

Une filière textile haut de gamme à exploiter

Le Burkina Faso fait partie des principaux producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest, et peut être considéré comme la locomotive de la production de coton biologique dans la sous région. 

La production du coton burkinabè est prise en charge par les trois sociétés cotonnières du pays. Chacune de ces sociétés préfinancent les campagnes agricoles en octroyant des prêts sous formes de semences et d’intrants aux cotonculteurs vivant dans les zones de production dont ils ont la responsabilité. En fin de campagne agricole, les cotonculteurs remboursent ces prêts grâce au fruit de leur récolte que les sociétés cotonnières leur achètent. L’Union des Producteurs de Coton du Burkina Faso (UNPCB), sous l’impulsion de l’ONG Suisse Helvetas, a entrepris au début des années 2000 des essais visant à mesurer la faisabilité de l’introduction de pratiques agroécologiques au sein des communautés de cotonculteurs membres de l’Union. Ces essais ont été concluants et ont confirmé que cette approche agricole basée sur le fonctionnement du vivant, renforce la résilience des cultures de coton face aux effets de changement climatique. Vingt ans plus tard, l’UNPCB produisait 1573 tonnes de coton biologique et équitable lors de la campagne 2020/2021, soit 0,3% de la quantité totale de coton produite dans le pays, l’autre part de la production étant du coton conventionnel. 

La part du coton biologique et équitable produit sans impacts négatifs ni pour l’Homme ni pour l’environnement est donc encore extrêmement faible aujourd’hui, et la quantité de cette fibre biologique et équitable transformée par les acteurs de la filière textile locale est encore plus faible. 

Si le Burkina Faso mérite d’être davantage connu pour la qualité de son coton, les acteurs de sa chaîne de transformation textile incluant notamment le tissage, la teinture, et la couture, méritent également d’être mis en lumière à l’échelle internationale. L’ensemble de ces étapes permettent en bout de chaîne d’obtenir divers types de produits textiles haut de gamme, que l’on commence à apprécier dans les sphères européennes et nord-américaines de la haute couture, grâce notamment à un travail de mise en relation facilité par le programme Ethical Fashion Initiative de l’International Trade Center (ITC)